Archives mensuelles : septembre 2022

Babelio

Je découvre ces jours-ci la plateforme Babelio et surtout les lecteurs qui la peuplent. Je le sais déjà un peu beaucoup de la fréquentation de mes voisins, des gens de mon bistrot, de ma mère, de ceusses de mes clubs de sport, mais aussi d’une bonne décennie de pratiques de forums et réseaux sur internet : les «gens» c’est un peu un autre niveau que ce que les publicitaires, sondeurs, et politiques nous vendent comme représentatifs de l’intitulé. Le principe de Babelio c’est de partager ses lectures, d’en rendre compte voire d’en proposer une critique détaillée. Alors bien sûr il y en a qui s’en font tout un goitre, toute une flemme, toute une opérette, des qui se regardent lire comme on se regarde vivre – mais même ceux-là ne rentrent pas dans les panels, les excèdent, et craquent toutes les coutures.

Mais il y a par-dessus tout ceux qui ont été bouleversés ou ulcérés, ceux qui aiment d’amour un personnage comme ils n’aimeraient pas une personne, ceux qui préfèrent fraternellement vous prévenir comme s’ils avaient été pris en traître, ceux qui n’ont pas tout lu, n’ont pas les mots, et s’excusent presque, et, les pires, ceux qui ont lu le même livre que vous, mais mieux que vous.

Feuilleton

Dimanche prochain, sera publié ici même le dernier épisode du roman “Vanina Ah Ah”, et le dimanche suivant, son court épilogue. Le livre, tome 1 d’une trilogie dont un tome reste à écrire, sortira en juin 2023, et je ne pense pas faire paraître ici en feuilleton les quarante petits chapitres en autant d’épisodes du tome 2, “sucre bébé amour” (sortie en juin 2024). Parce que l’expérience ne m’a pas paru concluante.

J’avais misé sur la petitesse des chapitres et sur les rebondissements boulevardesques de l’intrigue pour capter l’attention, mais ça a été une erreur. Le rythme hebdomadaire et la foison des scènes, personnages et situations a dilué l’intérêt des publications, et à ma connaissance, il n’y a qu’une personne qui a tâché de suivre, qui s’est accrochée jusqu’au bout.

Néanmoins l’idée de feuilleton me travaille. Je suis en train de gamberger à un format court, plus à un puzzle qu’à un scénario, des chroniques fictionnelles qu’on pourrait prendre par n’importe quel bout sans jamais être perdu. Je ne serai pas près pour prendre le relais sans coupure après “Vanina ah ah”, mais ça commencera, je l’espère en tout cas, un de ces dimanches.

J’ai une idée idiote. Et elle est dans mes cordes.

Vanina Ah Ah #38

Ce soir, c’est la fête au village. La télé nationale est là, dédaigneuse et bégueule, étalée de toute son importance sur le parvis de l’église et sur le monument aux morts. Ils ont même obtenu de la patronne du petit Café de la Poste qu’elle ouvre et qu’elle sorte des tables et des chaises sur la place pour poser les caméras et les perches. Dans les coins, les Taravouériens (habitants de Haute-Rivoire) les plus télégéniques livrent leurs impressions sur ce qu’ils ont manqué, puisque personne n’a rien vu, et sur la famille Benito que chacun aurait dû voir venir :

– Surtout le petit, le Jethro, on le voyait qu’il allait mal tourner. Mais toute la famille c’était de cette farine-là. Moi j’ai toujours dit à ma fille de ne pas les fréquenter, et en général de se tenir à l’écart de cette maison. Leur abri antiatomique dans le jardin, on ne savait pas trop à quoi ça leur servait. Et bien, on sait maintenant. C’était une idée du père, ça, le vieux, baba antimilitariste, on voit où ça mène… ça trafiquait là-dedans. C’était évident que ça allait mal finir.

En fait, c’est l’arrivée de la police qui a donné à ce début de nuit une tournure d’évènement ; les coups de feu et la bagarre, c’est à peine si les voisins s’en sont inquiétés. Ensuite, la presse, la télé, sont arrivées, et bien sûr c’est devenu une kermesse. Mais tout est allé tellement vite. La Spectre Noire et MDK sitôt posés sur le toit ont vu le neveu déguisé en MDK, mais avec des Nike, et Évanescent,retraverser le jardin en direction de leur petite chambre souterraine secrète. MDK a voulu théâtraliser un peu le moment et a profité de ce que le jeune Jethro portait son casque pour lui envoyer une petite sommation par radio, mais pour le fun, pas pour lui donner une chance de se rendre :

– J’en connais un qui va pisser sa trouille dans ma combinaison.

Le jeune homme s’est arrêté, stupéfait, au milieu du chemin, cherchant partout qui pouvait lui avoir parlé à l’oreille, et a à peine eu le temps de voir MDK atterrir devant lui et lui administrer une ruade de quelques kilojoules dans la rotule pour commencer. Le bruit seul de l’os qui s’émiette comme une biscotte, ça a été tellement intense… bon visiblement, la douleur aussi, le garçon a poussé un soupire vraiment terrible qui s’est fini en sanglot, et les deux mains et le genou restant à  terre. Du coup, il a raté tonton Évanescent qui a tenté de s‘invibiliser. Mais tintin, bien sûr… ce n’est pas une découverte, on l’a assez agonie et moqué du temps où il faisait partie du BIOS et n’acceptait de missions que de mi-mai à mi-septembre ; le pouvoir d’Évanescentne donne sa pleine mesure que lorsqu’il est nu. On le sait, mais c’est toujours un moment d’incrédulité de le voir disparaître et de voir ses vêtements tenir debout tout seuls. Bon, en l’occurrence, debout, c’est un bien grand mot, parce que son pantalon se met à genoux aussi et que sa veste lève les bras en l’air pour se rendre. Mais la Spectre ne négocie pas. Elle fond sur lui d’un bond et lui plonge aussitôt sa main dans l’entrejambe pour en ressortir un poing arracheur et sanglant. Elle l’a dénoyauté, ni plus ni moins…

Mais c’est à ce moment que le premier coup de feu retentit. La détonation n’est pas forte, mais l’attitude de la capitaine Lerdon qui tient à peine sur ses jambes écartées et qui a tiré en l’air en guise d’avertissement, ça, c’est impressionnant, ça, ça pose une bonne femme :

– Mais vous êtes qui, bande de cintrés ? Qu’est-ce qu’il se passe ici ?

La situation s’est figée et il faut bien reconnaître que si l’on tombe là-dessus en n’étant pas initié ça peut être glaçant de prime abord. Les deux qui sont debout habillés plus ou moins chez Saint-Maclou, ce sont les plus menaçants à l’instant, mais elle a l’impression de les connaître. N’empêche que la fille en cuir, elle a toute la main maculée de sang, et ce qu’elle serre dans son poing, vraiment ce n’est pas net. Par contre, la silhouette à genoux et prostrée devant elle est en train de changer, comme de rechampir du fond l’air,  et cette tête grimaçante et terrifiée… c’est lui… c’est l’un des gars qui l’ont droguée et c’est celui qui la pelote salement  depuis… depuis… elle ouvre le feu à nouveau, bim, en l’air à nouveau. La Spectre, prise de court d’abord, se rend intangible et s’avance vers la policière, qui, prise d’une vraie trouille, a le temps de lui tirer “au travers” une fois avant qu’elle ne pose la main sur l’arme pour la dématérialiser aussi et lui enlever des mains.

– Doucement, si vous voulez tuer quelqu’un, vous pouvez. Vous ne l’avez pas volé. Mais il ne faut tuer pas tout le monde. Je sais que c’est tentant, mais non. Vous, vous pouvez tuer celui qui a le casque là, mais attention pas l’autre. Celui qui tire sur le rouge, c’est le vrai, et l’autre c’est le faux. Donc je veux bien vous rendre votre pistolet, mais vous me promettez de tirer sur celui qui est à quatre pattes. Pas celui qui tire sur rouge… oh là là, quand je dis “tire sur le rouge”, ça ne veut pas dire qu’il faut tirer sur le rouge… c’est en train de devenir une situation in extremis. Méca, vous pouvez m’aider ?

– Oui, je crois.

MDK attrape le casque du neveu, et l’arrache, en veillant bien de ne pas arracher la tête avec, avec les démultiplications de force de son exosquelette. Quand le capitaine Lerdon reconnaît le garçon qui l’a abondamment droguée, et qui a drogué aussi ses confrères, elle a un mouvement de recule et d’incompréhension, et elle reprend son arme des mains de la Spectre, et le braque aussitôt à deux mains droit devant elle. La Spectre Noire l’applaudit en se hissant sur la pointe des pieds :

– Oui voilà, là vous pouvez, clic et boum. Après, si vous ne le sentez pas, nous ça ne nous dérange pas. On peut le faire. On a fait le déplacement tout exprès. Mais si ça peut vous faire du bien, moi c’est quelque chose que je comprends. Enfin moi, je sais que j’aime bien ces petites montées d’hémoglobine, après quand ça redescend, je suis toujours détendue, comme après un bain moussant ou après avoir regardé Rocky. Mais Rocky, le film, pas le dessin animé avec le renard. Ça vous fait ça aussi, commissaire ?

La capitaine Lerdon est au point culminant de son incrédulité. Elle vient de se réveiller, il y a les salopards qui l’ont droguée et enlevée qui sont à genoux et gravement blessés devant elle, un gars casqué et vêtu de cuir avec comme des tuteurs métalliques et des vérins à chaque membre, et une espèce de dingot casquée, ultra canon, qui débite des choses insensées avec une voix de cagole. Elle raffermit sa position, ferme un oeil et :

– Je vous préviens, cette fois je tire sur le premier qui bronche.

Et personne n’a le temps de broncher. Le neveu, sur lequel elle braque quand même le gros de son attention, et l’essentiel de son flingue, tend une main vers elle, pour l’implorer peut-être, mais quand on a la saloperie de pouvoir de faire gicler du GHB de ses mains, on s’arrange pour implorer avec les bras dans le dos. Lerdon s’est faite avoir une fois, pas deux. Elle tire. Bim une dans sa tête, et rebim une dans la poitrine. MDK, se recule et lève les bras en l’air pour ne pas prendre la prochaine, mais la capitaine Lerdon a déjà lâché son arme, totalement soufflée par ce qu’elle vient de faire :

– Il allait… gicler. Hein ?

– Mais oui, et puis l’autre aussi, il va gicler, on ne va pas non plus y passer des heures.

La Spectre tapote le bras de la policière, “bon boulot”, et envoie d’une poussée invisible Évanescent s’écraser contre le mur de la maison familiale. Une grande éclaboussure écarlate. Puis elle se penche sur le corps du neveu :

– Celui-là aussi a son compte. Oh mince, par contre Méca, votre combinaison, il va falloir lui mettre une pièce, peut-être même deux, parce que la balle a du ressortir de l’autre coté. Bon après, c’est peut-être un signe, que ce soit celle-là qui est trouée. Ça veut dire qu’il faut que vous gardiez celle qui tire sur le rouge. Du coup, je suis bien contente que ce ne soit pas la rouge qui a été visée, parce que vraiment je la préfère. Et en plus, je réalise, en plus… vous étiez à l’intérieur. Double signe.

– D’accord, Spectre. Des signes, on n’en a jamais assez. On devrait faire rentrer cette jeune femme au chaud à l’intérieur, et peut-être pourriez-vous vous occuper d’elle en attendant l’arrivée de ses confrères.

De fait, la capitaine Lerdon s’était mise à grelotter d’accumulation de stress et de peur panique. Et elle frémit encore un peu avec toutes les couvertures qu’elle a sur le dos, mais au moins elle est a retrouvé un semblant de figure. Et la Spectre lui a fait un bien fou, et idem pour les collègues à qui elle a fait grand peur. Et même ce couillon de Houard, elle a eu un plaisir sans mélange à le voir débouler. La Spectre a pris une couverture de survie aux pompiers et a dû promettre de la dédicacer avant de la leur rendre. Elle ne sait pas exactement ce qu’ils ont voulu dire par là, mais elle ne s’en soucie pas. Elle est sur le toit de la maison. Comme d’habitude, mais cette fois MDK, a passé plus de temps avec elle qu’en bas. Il voulait avoir son avis avant de faire sa déclaration à la presse. En général, il ne lui demande pas son avis, mais c’est sûr que maintenant les choses ont changé. Elle le sent au plus profond de son coeur : il y a comme ça des jours à marquer d’une pervenche. Par contre, elle n’a pas bien saisi sur quoi Jeanjean voulait son opinion, et en a presque regretté le temps où il ne le lui demandait pas. Elle l’a trouvé grave, préoccupé, donc elle a fait son possible pour l’écouter. Mais bon…

– Et vous êtes obligé de parler à la presse ? On ne peut pas juste rentrer à la maison, enfin chez vous, ou chez moi, et laisser le BIOS, faire un communiqué ? Non ? C’est parce que la Guéparde est morte ?

– Chez vous, et chez moi aussi, on va y faire un saut oui, si ça vous va. On va prendre quelques affaires et puis votre chat, et puis les deux miens, et puis on va se mettre au vert un peu.

– Au vert vert ? 

– Oui, si ça vous va. Je crois que le BIOS, c’est fini pour nous. Et ce n’est pas tant qu’il y a de fortes chances qu’ils nous blâment ou nous virent, je pense avoir compris en tout cas que quant à moi ils n’attendaient qu’un faux pas. Et le faux pas…

– Faut pas.

– Non, mais trop tard. Et puis trop tard pour eux d’abord. J’en ai marre de porter le BIOS à bras le corps, je pense que vous me connaissez et que vous devez le sentir ces derniers temps…

– Le bras le corps, c’est quand on n’a pas le droit de se pencher ? Non, je vous ai coupé, pardon.

– Je crois que ça ne sert à rien d’essayer de tirer ces gens vers le haut. Vous savez, ce qu’on dit : la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.

– Vous parlez de qui ?

– Je parle du BIOS en général, je pense que je vais faire une annonce, qu’ils vont apprendre ma démission par la presse, et qu’ils ne valent pas que je sois autrement formel. J’espère juste qu’ils me laisseront récupérer ma mule. Vous savez mon exosquelette de secours qui est au QG ?

– Oui, votre mule, je sais ce que c’est, c’est même le passage que j’ai le mieux compris. Il est au QG, mais si vous voulez, moi je vous le rapporte, hein ? Alors pas en partant d’ici, parce que je ne sais pas bien où on est. Mais de chez moi, alors là… moi, je me suis toujours dit que si je devais quitter le BIOS, je partirais avec un souvenir. Quand j’ai quitté l’hôtel IBIS… vous êtes venu chez moi, vous voyez le seau gris dans la salle bain, avec le balai Mop-serpillière et l’essoreur, et bien je ne devrais pas vous le dire parce qu’on est les forces du bien… mais tant pis : je l’ai volé en partant. Et si je devais me faire virer du BIOS, et bien la fontaine à eau… j’adore, ça fait “plop” quand on se sert un verre d’eau. Rien que pour le bruit, je boirais toute la journée. Bon après, c’est pipi comme s’il en pleuvait. Mais vous ne parliez pas de ça. Ils vont nous virer ?

– Et si l’on partait avant qu’il nous vire, Vanina ?

– Oh…

– De toute façon, vous êtes en train d’éclore, et le BIOS n’est pas un écrin pour le bijou que vous êtes en train de devenir. C’est tellement étriqué, tellement petit bras, tellement provincial. Vous devez évoluer solo, ou vous trouver des partenaires à votre hauteur. Vous allez éblouir le monde… est-ce que vous êtes consciente de ça ?

– Je ne sais pas Jeanjean, à vrai dire j’ai arrêté de vous écouter quand vous m’avez appelé Vanina, et j’aurais pu raccrocher, mais vous m’avez appelé Bijou juste après, et moi vous n’avez pas idée, comme ça me m’envoie dinguer, quand vous êtes attentionné comme ça.

– Ah… pardon… le commandant Houard a fini de parler à la presse.

– Oh non, vous n’allez pas m’abandonner sur le toit pour elle. Pas maintenant. S’il vous plaît.

– Non, on n’a qu’à la faire monter là.

– Chiche ?

– Chiche.

Le Spectre disparaît à l’instant. Punaise elle s’est téléportée en bas. MDK, imaginait voler jusqu’à la Commandante et lui proposer de la porter dans ses bras en promettant de voler doucement, mais hop là… elle est là… cul en l’air, pendouillant sur l’épaule de la Spectre, qui l’a téléportée là, et il n’est pas exclu qu’elle ne lui ait pas demandé son avis. La Spectre la dépose sur le toit en pente :

– Hé ben ma cochonne, il vaut mieux vous ranimer que vous nourrir.

Jézebel Cellor se retient à l’épaule de sa téléporteuse, le toit est pentu, les tuiles sont très bombées, très hostiles à ses chevilles, et ni l’altitude ni la téléportation-surprise ne font partie de ses compétences immédiatement disponibles, mais elle s’adapte. Elle a compris qu’elle est convoquée par ceux-là du super-héroïsme, et qu’ils ont des manières étranges. Auxquelles elle doit une fière chandelle.

– J’ai juste parlé à la télévision, je n’ai rien fait de mal, messieurs-dames. Si ? J’ai dit une connerie, Monsieur Méca ?

– Pas du tout. On n’en sait rien, on ne vous écoutait pas. On a juste pensé que ce serait plus confortable ici pour parler.

– Et de fait… qu’est-ce que c’est confortable ! C’est très surfait la terre ferme. Vous voulez un résumé de ce que j’ai dit à la face du monde, ou vous préférez le voir en replay ?

– Les grandes lignes, on prend.

– Rien de bien rare : vous avez sauvé les miches de la capitaine Lerdon et la nation se joint à moi pour… enfin Lerdon, c’est une chouette fille, et la nation s’en fout, et on se fout de la nation. Mais je peux vous dire que mes gars et moi, on vous en doit une. Je n’ai pas donné de détails sur les moyens employés dans notre trac, j’ai juste dit que ça avait été une collaboration fructueuse avec la préfecture, les hautes autorités du BIOS, et, mais dans une mesure moindre, de l’ex-Commission européenne. À vrai dire, je n’arrive pas à savoir s’ils ont été pour ou contre nous ceux-là, mais j’ai eu un couplet pathétique assez réussi sur le décès de leur grande poêle à frire. On ne sait jamais. Par ailleurs, j’ai abondamment cité vos noms à vous, héros du jour, et de toute façon toutes les questions dont j’ai été bombardée ensuite ne concernaient que vous. Enfin surtout vous, Madame Spectre… Mademoiselle Spectre ?

– Madame. Enfin bientôt.

– Vous savez qu’ils vous attendent en bas ? Et je crois qu’ils ne vont pas tarder à scander votre nom, et allumer des briquets, tellement ils sont à un niveau de ferveur qui tient de la fièvre. Vous allez les retourner… ah, il faut que vous sachiez, les vôtres m’ont appelée, ils sont en route ; au bruit de fond qu’il y avait pendant la conversation, je pense qu’ils sont au moins en hélicoptère. Ou alors en soucoupe volante.

MDK grimace, si l’hélicoptère est de sortie, c’est que toute une délégation est en chemin, et il n’a pas le coeur ni les nerfs pour d’interminables arguties, surtout avec ce semi-intello de Mental et cette courge intégrale de Libellule. Ces gens qu’il a dû vanter et vendre pendant des années au gouvernement et à la presse, et de la proximité desquels il a dû feindre de s’enorgueillir, d’un coup débarrassés de la surbrillance de son seul engagement, lui font enfin l’effet de ce qu’ils ont toujours été : des ringards, des parvenus, des enfileurs de perle : juste une bande de tocards en collant, taillés pour les soirées mémorielles entre tocards en collant. Un peu comme la petite société des artistes et plasticiens sans oeuvre ni engagement qui font  le gros de la population des vernissages et des pince-fesses.

– On ne va pas les attendre, commandant. On vous les laisse sur les bras, désolé. Vous avez tout dit à la presse, tout que je pourrais ajouter, ce serait un peu de sensationnel. Et quant à ma partenaire ici présente, il n’est pas temps encore qu’elle réponde de l’extension de ses pouvoirs. Surtout dans un contexte comme celui-là. La presse a déjà beaucoup à se mettre sous la dent. Deux super-vilains défaits, deux justiciers morts plus tôt dans la journée, évidemment, ils ont déjà bien assez de matière pour se foutre éperdument de la jeune fille qui est morte dans la nuit, et des trois autres jeunes filles qui ont le reste de leur vie pour se débarrasser de cette nuit. Et de ce monsieur, mort en slip dans son salon, juste parce qu’il habitait en face de la maison du crime. Parler de la Spectre Noire à ces gens, c’est de la confiture à des cochons. Voilà ce que c’est.

– Je comprends. Comment est-ce qu’on peut rester en lien, pour la suite immédiate ?

– Nous vous contacterons.

– Il va le falloir, oui. Vous avez des petites choses à me signer.

– Si vous parlez du fait que j’ai récupéré ma combinaison et mon casque sur le cadavre de Jethro Benito, c’est de la force majeure. Mais je vous signerai une décharge, si c’est ce que vous voulez.

– Entre autres choses oui, mais on en reparlera. Bon filez, je retiens la foule pour vous.

– Merci Commandant.

– Merci à vous. Comment on fait ? Quelqu’un me descend ou je demande aux pompiers de sortir l’échelle ?

La demi-solitude du demi-coureur de demi-fond

Lancé dans mon onzième volume (la part du feu 2 : d’élégantes personnes) qui est parti pour être le plus épais de tous ceux que j’ai commis, j’ai fait le constat aujourd’hui que j’avais sensiblement une meilleure impressions de mes bouquins au long cours, ceux autour de 300 pages, que de mes demi-fonds de 150 pages. Et c’est un peu contre toute attente parce que je me prévoyais plus à même de resserrer un récit simple sans trop de digressions et de le tenir sur les quelques semaines/mois que dure un premier jet, que de me retrouver à avoir pondu une trilogie et en avoir deux en cours. Question de souffle. La personne qui m’a le plus lu (ma sœur) a très nettement moins aimé les deux petits formats qu’elle a eus entre les mains. Les a trouvée irrésolus ou résolus trop tristement, et encore elle n’a pas lu le plus irrésolu et le plus triste de ceux que j’ai commis… Mais celui-là je doute de le publier jamais.

Cela dit “la vie en rose” est pour l’instant le bouquin de moi préféré de deux lectrices et personne n’a dit pareille chose d’aucune autre de mes productions. Et “la vie en rose”, c’est 150 pages au mieux irrésolues, au pire tristes.