Flash spécial culture, coup de Trafalgar dans le petit monde de l’art contemporain, coup de Trafalgar contemporain donc si j’ose dire, nous apprenons que Laurent Seror, le grand Magnat du roman de gare a fait rapatrier à grands frais tout ou partie de sa pléthorique collection de ses ports francs de Riga et Madère où il la conservait jusqu’alors, à l’abri des regards et du fisc comme disent déjà les mauvaises langues, mais c’est oublier un peu vite que les sites étaient tellement sécurisés que lui-même n’y avait pas accès. La collection qui paraît il fait déjà pâlir d’envie les Arnaud et autre Lagardère est actuellement réunie pour expertise, estimation et inventaire au siège de la Seror corporation en vue d’une dation à la fondation Seror et devrait faire sous peu l’objet d’une exposition publique si toutefois les commissaires qui y travaillent d’arrache-pied trouvent un endroit assez vaste et assez prestigieux pour la recevoir dans de bonnes conditions. Nous retrouvons notre envoyé spécial à la Seror corporation qui en exclusivité a pu assister aux opérations de déballage et aux découvertes. Sakafruit vous êtes à l’antenne, alors je suppose que vous allez d’éblouissement en éblouissement depuis ce matin.
- Ah, mais tout à fait Sakapin, c’est peu dire que je suis bien ébloui et nous le sommes tous ici, qui à mesure que les caisses d’oeuvres d’art nous arrivent passons de concert de Charybde en Scylla.
- Pardon ?
- Non laissez tomber. Le fait est que depuis tout à l’heure, et alors que vous voyez derrière moi passer toute une caisse de vieux Van Gogh, nous avons eu la joie de découvrir des oeuvres oubliées de Altdorfer, Munch, Opalka, Bazelitz, Osterbach et j’en passe et avec des noms encore plus compliqués. Il y en a même un, il s’appelle Twombly. Cy Twombly, vous imaginez ? Mais le grand évènement dans l’évènement, parce que oui, ce retour des oeuvres ne se fait pas sans un parfum de scandale, le fait marquant de la journée tient à ce qu’on a découvert dans l’inventaire une oeuvre de Hi-Hat… Hi-Hat je vous jure, ils ont de ces noms, le fameux auteur des non moins fameux “le dentiste de lady Chaterley” et “commode Louis XVI dans un virage” pièces maîtresses s’il en est de la collection de la fondation Guggenheim de Venise, et cette oeuvre retrouvée n’est autre que la fameuse peinture en bas-relief si caractéristique de l’artiste “un tramway nommé Jean-Luc”, souvenez-vous celle-là même qui avait été dérobée en 2007 en pleines enchères à Sotheby’s de Londres. Comment cette oeuvre qu’on croyait perdue à tout jamais a pu se retrouver dans un Port franc de Riga pendant toutes ces années à l’insu de son propriétaire même, pour l’instant ici on se perd en conjonctivites.
- Conjectures… Mais vous avez pu vous en approcher de cette oeuvre en particulier ?
- Oui, les conservateurs, experts et gens d’interpole l’ont isolée dans une pièce à part dans l’attente de comprendre son parcours, et dans cette pièce j’y suis et je vous propose de découvrir ce chef-d’oeuvre miraculé avec moi. La voilà, c’est un dingue, hein ?
- C’est historique.
- C’est le mot que je cherchais. J’ai eu la chance d’en avoir une sorte d’exégèse entre deux portes de la part du collège d’historiens de l’art présents pour l’occasion, un genre de mode d’emploi si vous voulez, et je peux vous dire ce que j’ai retenu si le coeur vous en dit.
- Oui succinctement, si c’est possible parce que nous allons devoir rendre l’antenne.
- Ah, mais tout à fait Sakapin. l’oeuvre “un tramway nommé Jean Luc” que notre caméraman vous fait découvrir en heu.. vue aérienne est typique de la période clostrovore de l’artiste
- Clostrophobe ?
- Peut-être en tout cas la période très angoissée qui a précédé sa mort… J’ai un doute…
- Oui, je vous confirme qu’il n’est pas mort.
- Voilà c’est ça, en le disant, je me suis dit… Je crois que je le confonds avec Dali. Mais déjà Dali je ne savais qu’il était peintre. J’étais sûr qu’il faisait du chocolat. Mais bref, donc la période cosmonaute, ça je l’ai dit, il est vivant, nani nana, oui voilà, on reconnaît dans la composition une multiplication des petits enfermements et cloisonnements et cette angoisse de l’artiste qui à l’époque était en proie à heu… l’angoisse de l’artiste ; il paraît que ça se fait beaucoup. C’est dans cette même période qu’il avait une correspondance imaginaire avec Berthe Morisot, la peintre impressionniste, ce qui ne devait pas arranger son angoisse, puisqu’elle ne répondait pas à ses lettres. Mais bon déjà il ne les envoyait pas, ses lettres, elle ne risquait pas de lui répondre.
- Oui et puis surtout Berthe Morisot est morte à la fin de XIXème.
- Oui en plus… quelle angoisse… dans une de ses lettres il lui disait, et je vous la lis textuellement : chère Berthe, je me sens si petit à côté de vous, que je m’en empêcherai presque de respirer parfois… C’est bizarre hein ?
- Oui, mais nous devons rendre l’antenne, Concluez Sakafrui, s’il vous plaît.
- Oui oui, il poursuivait. Vous savez très chère que je me surprends à rêver que nous nous retrouvions dans une autre vie une prochaine incarnation, vous et moi dans une existence d’araignée. Je sais pourquoi le pense aux araignées, pour la dysmorphie sexuelle, le mâle petit la femelle gigantesque…
- heu Sakafrui
- Et le cannibalisme dans l’acte de fécondation. C’est un leurre, je le sais bien, puisque dans les proportions ça reviendrait à rêver que je féconde la statue de la Liberté. Et je me mens, je le sais, parce que moi la statue de la Liberté, même en ayant la dalle comme j’ai la dalle en ce moment, je n’y vais pas. Déjà je n’aime pas le vert.
- Nous allons devoir rendre l’antenne.
- Ah d’accord. Comment on fait ?
- Ça se fait tout seul normalement.
- Ah d’accord. Donc on ne bouge pas.
- Voilà.
- Ça a marché ?
- Je ne sais pas.
- Et vous vous le saviez que Dali il faisait aussi du chocolat.