Ça fait bientôt un an que j’ai lancé l’oujoporama, cette idée de faire une revue sommaire autour du mauvais genre, et je dois bien constater que ça a ordonné comme jamais ma façon de lire au rang de discipline. Dans les périodes de ma vie où je n’ai pas lu, ça a toujours été parce que je n’ai pas réussi à m’en faire une obligation. Là j’y arrive très bien. Et comment. Il faut que je lise un peu de sf, il faut que je lise un peu de roman noir, il faut que je lise des classiques, il faut que je me fasse un semblant de cerise en histoire des hommes et en histoire des idées, il faut bien sûr que j’équilibre tout ça, et si avec ça je peux prendre de temps en temps un peu de plaisir, soit, je me l’accorde, mais pourvu que je fasse vite. Non, je me régale en fait, quand même je me retrouve confronté à deux butées auxquelles je ne m’attendais pas. D’une, la science-fiction que j’ai si peu pratiquée que je me retrouve à devoir tout découvrir, en n’ayant pas la moindre idée de ce qui s’y commet de remarquable aujourd’hui. Du coup je coche les maîtres historiques du genre, Barjavel et Boule en France, et sinon j’avale comme je peux Isaac Asimov, Philip K. Dick, Harry Harrison, le très échevelé Franck Herbert et jusqu’à Stephen King. Alors tout ça, c’est très bien, très très très bien même parfois. Mais je ne sais pas, dans l’ensemble, je trouve ça très adolescent. Mal dégrossi dans la relation… des relations… du désir, de l’angoisse, du politique. Enfin tout ce qui sort de la mécanique de l’anticipation, de la peinture de la dystopie comme toile de fond, tout ce qui touche à l’âme des personnages jetés là-dedans est actionné du haut et avec des grosses ficelles, des cordes à nœuds. Peut-être pas Herbert, et King non plus dans ses romans les plus adultes, mais je trouve à la sf “classique” une humeur un peu boutonneuse. Et je mets Ray Bradbury complètement à part de ça. Il faudrait que je sache quoi lire dans la sf d’aujourd’hui, qui doit être maintenant arrivée à l’âge adulte. J’ai essayé “la horde du contrevent” d’Alain Damasio, mauvaise pioche et son “Scarlett et Novak” ne m’a pas plus convaincu, mais je ne sais pas vers qui vers quoi me tourner et j’en souffre. Il faut que je me penche vraiment sur la question, mais d’abord il faut que je lise Arthur c Clarke, c’est mon devoir d’oujoporamiste. L’autre butée à laquelle je me tamponne, concerne l’autre genre : le polar… là j’ai du vécu, et je suis un peu au jus de ce qui sort. Mais ce sur quoi je bute tient à ce que je me suis convaincu de faire un travail un peu foncier sur James Ellroy, et que ça va m’astreindre pendant un temps à céder à Ellroy l’essentiel de ma disponibilité au polar. Et j’en souffre aussi.
Bref, tout ça, c’est bien du malheur.