Bec #3

Sal a eu comme à son habitude le demi-bon mot qu’il ne faut qu’à moitié pour semi-clore le début d’esclandre. Puisqu’il a posé une main ferme sur l’épaule de Bada, et a su trouver une voix, ferme aussi, pour dire :

  • Bada bada Bada, je pense que je parle au nom de tous ici présents, nous tes amis… Si si, ne fais pas cette tête contrite. À part nous, tu n’as pas d’amis, Bada. Enfin dans cette galaxie-ci. Après je n’ai pas toutes les données de ton entregent interstellaire. Bref… nous nous sommes d’ailleurs réunis ici, pour être le collège de tes amis, et pour te dire collégialement que, d’une, il faut que tu changes ce pantalon et que tu t’en trouves un propre. Celui-ci croustille quand tu bouges. Tu ne l’entends pas, mais nous oui. Et ça nous déconcentre. Et de deux je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’à tout prendre on préfère les fois où tu vomis aux fois où tu parles politique.

…/…

Le regard de Sal a croisé le mien à la toute fin de sa tirade, et c’est un vif, Sal, il a associé la personne qu’il avait sous les yeux à la personne qui nettoie le vomi quand il y a du vomi. Un peu tard, certes, mais comme on dit “l’empathie vient en mangeant ses mains”. J’ai tordu le nez, il a mangé ses mains, alors on était quittes et je suis allée porter leurs coupettes aux filles. J’ai dû avoir une trajectoire légèrement incertaine, puisque Frida et Danette, qui sont des professionnelles de la sécurisation en milieu de murge avancée, ont eu par réflexe le début du geste d’écarter les bras et de se reculer pour ne surtout pas me rattraper en cas de nid de poule. Mais elles n’ont pas couiné non plus, pas plus que moi je n’ai trébuché. On est entre dames du monde. Je l’aime bien pour ça, mon bar. Les gens ont les codes, et ils les avaient avant que j’arrive. Bon là, Danette et Frida, Sal bien sûr, Sal d’abord, et même le traiteur et Bada, même ce sociopathe de Marton là-bas à sa table du fond qui fait semblant d’écrire des trucs et d’être au-dessus de la mêlée, mais qui n’en perd pas une miette de la mêlée, les codes ils les avaient avant que j’arrive. Les trois premiers sont de la famille, ou tout comme, je les aime, et les trois autres… Non je ne sais pas quoi dire des trois autres, mais ils ont ce truc indéfinissable. Du fin fond du fin fond où ils peuvent être parfois, et pour Bada le fin fond peut aller très loin, ils ont ce qu’on appelle de la tenue. Et la tenue, tu peux l’avoir avec le pantalon baissé sur tes chaussures, ou allongé dans le caniveau. Ce n’est pas donné à tout le monde, mais Bada y arrive. Et si Bada y arrive…
Après j’ai parmi mes ouailles ceux qui n’y arrivent pas d’eux-mêmes et sur lesquels il faut imposer la tenue. J’ai mes cons. On les a tous, les miens ne sont pas pires que les vôtres. Les miens ne sont pas méchants. Déjà. Les méchants ne restent pas, ils n’ont pas d’avenir chez moi. Parce qu’en termes de méchanceté, je suis ce qui se fait de plus vicieux. Et si mon vice n’y suffit pas, j’ai Frida, tellement souvent dans mes parages qu’elle en est presque dans mes pattes. Et Frida c’est la méchanceté classe, classe internationale. Frida, elle t’humilie à peine elle t’ignore.
Et si ce n’est pas assez, si c’est trop haut pour toi, Bada est là. Mes “cons”, mes gentils cons rien qu’à moi, le savent bien. Au bout du bout de leur dignité, ils peuvent à tout moment avoir affaire à l’indignité la plus crasse en fait de tuteur. Je n’ai jamais vu quelqu’un vomir et pisser sous lui autant que Bada.
Mais il a de la tenue, lui. Et ça forcément ça tient ceux qui n’en ont pas en respect.

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