À la fin des années 90 il me semble qu’il y a eu période où, dans les revues et magasines, lire Richard Brautigan était une injonction catégorique ; et comme j’étais déjà très obéissant et très fashion, je m’étais fadé, littéralement fadé, l’eau tiède de « sucre de pastèque ». Je n’en ai aucun souvenir sinon l’impression d’être insensible et bête parce que ça ne pouvait pas être le livre qui l’était, insensible et bête.
Récemment, le hasard qui est une autre injonction, veut que Brautigan soit en peu de jours LE conseil de lecture d’un ancien lanceur d’alerte reconverti en wanabe canal+ et une trouvaille dans le local poubelle de mon immeuble. Et décidément : non, vraiment non. Le livre ne raconte presque rien et le raconte presque bien. C’est probablement une monodie, écrite comme elle voulait bien s’écrire, orchestrant quand même trois situations distinctes dont on imagine qu’elles vont être jointes dans un grand tout cathartique à la fin. Alors c’est le cas, et c’est proprement expédié en deux pages. Il y a d’une part un érotisme empêché pour cause de maladie vénérienne qui se transforme en relation bondage un peu gaufre avec la maso qui s’ennuie et le sado qui chiale, d’autre part trois frères de l’Amérique profonde qui accomplissent la caricature de l’Amérique profonde dans le braquage de stations servive et le meurtre de sang-froid, et enfin un autre couple qui détient indûment les trophées de bowling du titre et dont c’est la seule fonction avérée. Et comme catharsis deux pages de vaudeville pour faire tenir tout ça, si peu finalement, ensemble.
Plus jamais. Et petite mention aux éditions 10/18 qui ont choisi un détail du Nighthaws d’Edward Hopper : ça n’a rien à voir. Non plus.
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