J’ai voulu sortir de ma circulation usuelle, et je suis allé dans les ors et le feutré de la Bibliothèque de Saint-jean pour réfléchir à ma vie mon œuvre sans être dérangé. Enfin réfléchir, c’est un bien grand mot ; on m’aurait laissé dans un champ à regarder passer les trains qu’à la fin de la journée j’aurais encore été infichu de dire «Meuh». J’ai eu bout à bout une seule idée à peu près claire : et si je me contentais de ranger mes affaires, de laisser un pamphlet, un petit recueil de sonnets, un seul sonnet, un seul mot, «dégoûté» est déjà pris, ou alors pas con, quatre mots : «dégoûté est déjà pris». Dans les faits tout est plié, en chacun de nous, tout. Et ce n’est même pas dommage. C’est tellement insupportable la plénitude d’un sentiment, d’une qualité mineure, d’un petit charme, la beauté céramique ou le dégoût. Personnellement mon seul superpouvoir avéré, c’est que je peux survivre à un rock sauté avec ma sœur et que j’ai une poigne terrible. On se souviendra qu’il ne faisait pas bon être le couvercle d’un bocal de cornichon avec moi. Ce n’est pas si mal.
(cette brève se situe dans les années 2000/201)