Vanina Ah Ah §32

Elle ne revient pas, il n’aurait pas dû la laisser seule. Cela dit, c’est la première fois qu’elle prend une initiative d’autorité et qu’elle lui demande d’avoir confiance et d’attendre. Quand lui la fait poireauter dans un coin à chaque mission. Elle est en train de prendre une tout autre dimension, et l’accumulation de ses pouvoirs, plus extraordinaires les uns que les autres, et qui chacun pourrait suffire à une carrière honorable dans l’héroïsme ou la vilenie, le caractère pléthorique que c’est en train de prendre, l’ont peut-être mise en confiance. En soi, c’est bien, mais MDK, ne pas s’empêcher de savoir aussi à qui il a affaire. C’est vrai que le bouton de la guerre atomique a été sous des doigts bien plus terrifiants, et ce ne sont pas les noms qui manquent, ne serait-ce qu’en France. La pléthore de pouvoir pouvait plus mal tomber. Qu’aurait-il fait lui-même avec autant de possibles ? Il n’est pas sans faiblesse, peu s’en faut. Il n’y a qu’à voir l’espèce de concupiscence qui en train de lui faire germer le cerveau, parce que la petite Vanina Celesti est câline et tactile avec lui. Beurk, vraiment, vieux dégueu, reprends-toi, on ne vit pas dans les pages psycho de Marie-Claire.

 Il boucle la dernière sangle de son exosquelette, le changement de batterie s’est fait sans mal, c’est juste qu’elle risque de bouger un peu en cas de choc, parce que les attaches ne sont pas exactement les mêmes. Mais pour les connecteurs, c’est bon, et il se félicite d’avoir fait en sorte que son matériel reste compatible à lui-même de génération en génération. Comme quoi on peut apprendre par défaut  et en creux des vices des grands modèles de ce monde vicié et de l’obsolescence programmée. Contact, le squelette répond au doigt et à l’œil, une petite pression du pouce et il est stabilisé à deux mètres du sol, et les armes s’enclenchent, prêtes à l’usage massif et dévastateur. Ça fait du bien au moral, d’autant que le coup de fil au QG a piqué un peu. C’est officiel, ça n’aura pas été le meilleur moment de sa carrière, et si c’est son chant du cygne, ça ressemble fort à un enterrement de troisième classe.

C’est ce con de N’a-qu’un-oeil qui a répondu :

– Ben merde, Méca, on essaye de te joindre depuis hier. Je te jure, j’ai l’oreille et la joue en feu à force de tenir le combiné. Et toi, tu appelles avec ton ancien identifiant. Merde, mais préviens, on est l’intendance, mais on est aussi des personnes.

Tu parles, l’autre syndicaliste d’opérette, planqué parmi les planqués, qu’on n’a jamais su qu’être d’accord avec celui qui a la plus grosse, ça y est, c’est devenu Che Guevara ? Il va redescendre tout de suite le similimollusque.

– Oui oui, on a tous des soucis. Tu as idée que si je n’ai pas pu appeler c’est parce que c’était compliqué ?

– Oui, bien sûr.

– Oui, bien sûr, nous aussi des fois sur le terrain, on a des crampes au poignet à force de tenir le téléphone, et d’autre fois quand on met trois minutes au micro-ondes, l’assiette est super chaude et la brandade de morue, elle est encore un surgelé. C’est dur, hein ?

– Ça va, tu n’es pas obligé non plus de te foutre de ma gueule.

– Non, je ne suis pas obligé, mais passe moi Libé, si elle est dans le coin. Et sinon, passe-moi quelqu’un, n’importe qui, le livreur Deliveroo si tu n’as que ça sous la main.  Juste quelqu’un d’autre.

Pendant les bruits de manipulation du combiné là-bas, et alors que N’a-qu’un-oeil pensait étouffer sa conversation avec la paume de sa main, il a bien entendu que ça paniquait un peu et que son ton de bégueule majeure avait fait l’impression requise. Maintenant qu’il n’y a plus la Guéparde, le contre-pouvoir de la petitesse et de la revendication stérile va devoir recruter une nouvelle grande gueule. Et il a reconnu la voix un peu hystéro de Libellule mais finalement, surprise, c’est Mental qui a pris le combiné. Allons bon. On lui envoie Sa Majesté Moulougou 1er pour négocier…

MDK, heureux de vous entendre, nous avons été bien anxieux ces vingt-quatre dernières heures. Où étiez-vous passé ?

– On a eu quelques ennuis dont je vous rendrai compte dès que la situation le permettra à nouveau.

– Qu’est-ce qui empêche ?

– La Spectre Noire et moi sommes sur la piste des deux criminels qui ont sévi cette nuit à Villeurbanne, et qui détiennent actuellement dans leur fuite une capitaine de police.

– Justement ça, c’est l’affaire de la police. Ce qui concerne le BIOS, c’est le… terrible malheur, l’assassinat presque sous vous yeux de cette pauvre Guéparde. Ça, ça relève de notre responsabilité, de votre responsabilité. D’autant que selon les informations que nous avons, c’est vous qui avez sollicité l’appui de l’ancienne Commission européenne. Et de ça aussi, nous allons devoir parler.

– Parler de quoi ? Du psychopathe bon teint que la Commission européenne nous a envoyé en renfort ? On en parle quand de leur irresponsabilité abyssale à eux ? Vous n’avez pas vu comment il l’a tuée ? Non, moi j’y étais, ça a été une boucherie. Et moi, je dois des comptes à des gens qui nous ont foutu un malade sanguinaire dans les pattes ? Réveillez-vous Mental, ça n’arrivera pas.

– Pourtant, il faudra bien, MDK. Et toute affaire cessante même. J’ai la commission en ligne, et je pense qu’une délégation de leurs émissaires, voire un de leur commando est déjà dans l’Eurostar.

– Et bien, vous les faites patienter, j’ai une enquête sur le gaz.

– Non, MDK, la Spectre Noire et vous-même, vous devez rentrer au rapport.

Mental ? Est-ce que vous vous sentez bien ? Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous.

– Justement, si, la situation de crise étant donnée, le ministère m’a chargé du commandement de notre unité.

– Vous ? Ils sont tombés sur la tête. Regardez-vous, vous êtes déjà en train de vous noyer dans un verre d’eau.

MDK, mesurez vos propos. Cette conversation est enregistrée.

– Ah bon ? Mais je tombe de ma chaise ! Toutes nos conversations sont enregistrées, Mental, depuis le tout début du BIOS, je le sais, c’est moi qui ai mis toutes les procédures en place. Et puisqu’on y est, ce qu’on va faire, c’est qu’on va procéder. Vous allez commander l’accueil de la délégation de la Commission européenne, et commander toute manoeuvre visant à les faire patienter d’ici à mon retour. S’il vous reste un peu de temps, vous relierez nos statuts et découvrirez peut-être que le ministère ne peut en aucun cas se mêler du fonctionnement de notre unité. Nous avons un directoire pour cela, et vous n’êtes pas dedans. Moi oui.

– Vous ne pouvez pas me traiter comme ça, MDK. Je tiens mes ordres de tout en haut, et j’ai la confiance et l’aval de nos pairs. La Libellule ici présente pourra vous le confirmer.

– Si Libé accepte que vous preniez les manettes, dites-lui de ma part qu’il faut qu’elle arrête les antidépresseurs. Je vais vous laisser, je suis justicier masqué moi, et il y a du boulot.

– Ce n’est pas de notre ressort de cavaler après des criminels communs. Ce qui nous incombe c’est de faire la lumière sur la mort de l’une des nôtres. De deux des nôtres, même. Et, surtout de comprendre comment la Spectre Noire a pu tenir secret un pouvoir d’une telle importance pendant tout le temps où elle a été votre binôme.

– Ah voilà, c’est ça qui fait des vapeurs à notre petit ministre.

– C’est ça aussi. Et c’est de se dire que si la Spectre Noire avait tourné avec moi, comme ça a été prévu un temps, on n’en serait pas là.

– Ah bon ?

– Je vous rappelle que je suis Mental.

– Oui oui, Mental, le fameux détecteur de mensonges à la fiabilité de 50% que même les Américains nous envient, le magicien qui sait vous dire, mesdames et messieurs, ce que vous avez dans vos poches, et qui a été infoutu d’arrêter un voleur de mobylette sur tout l’exercice 2023.

– Oui, mais j’étais en dépression, cette année-là, est-ce que je dois vous le rappeler à chaque fois ?

– Non merci, d’ailleurs ne me rappelez pas tout court. Je coupe la liaison. Ah oui, un détail, vous allez adorer : un des criminels “communs” comme vous dites que nous poursuivons a des super-pouvoirs, contre lesquels vous ne pourriez rien, ni vous ni aucun des planqués à côté de vous, ni même toute la fine équipe réunie. Mes respects, Chef.

La liaison coupée, il lui a fallu de très longues inspirations pour décolérer un peu. Mental nommé commandant de son BIOS à lui pendant qu’il a le dos tourné. Mental cette raclure libérale moite, superhéros pour cirque et cabaret, baptêmes, bar-mitsva, enterrement de vie de jeunes filles, ambitieux tripoteur, et grand abuseur de la note de frais et du repas d’affaires. Le gars n’a pas mis un neurone et pas une goutte de sueur dans l’édification et le maintien de la structure qui l’a nourri pendant vingt ans, ne lui a pratiquement rien apporté que son parasitisme et son sens du lamento et du lamentable, et ce gars en prendrait la tête, pas caprice ministériel ? Si c’est le cas, il a été choisi parce qu’il est faible et manipulable, comme d’autres l’ont été à des postes d’une autre importance. Et sinon, on ne peut pas mieux prévoir une bien pathétique guerre des chefs. Et MDK sait qu’il ne devra pas trop compter avoir des alliers dans la place. Si la chefferie est remise au vote, et qu’il perd, le BIOS peut d’ores et déjà se résoudre à son déclin.

N’empêche, si lui ne craint pas le pouvoir très fluet de Mental parce qu’il a équipé son casque d’un brouilleur d’ondes cérébrales qui s’active automatiquement en sa présence, c’est une autre limonade pour la Spectre. Il n’est déjà pas besoin d’être télépathe avec elle, qui est un livre ouvert. Des systèmes de brouillage il en a deux en état de marche. Mais l’un d’eux, le dernier modèle, est dans le casque qu’on lui a volé cette nuit avec sa combinaison. Il en a bien un à l’atelier, mais il est vieux et peu fiable. Et surtout, il pèse près de deux kilos, et n’entrerait en aucun cas dans casque de la Spectre. Il faut retrouver ces deux types, et puis c’est tout. Déjà pour leur briser les noix, et puis pour être équipés et auréolés d’une victoire de haute lutte devant les merdouillons qui ont l’air de s’ériger en juges. Et l’on verra bien qui a des comptes à rendre.

La perspective de voir débouler une délégation de l’ancienne Commission européenne est beaucoup plus préoccupante. Ces gens-là sont encore dans l’illusion de leur splendeur passée. Et d’ailleurs, plus elle est passée, plus ils semblent pouvoir tout oser. Ça fait dix ans qu’ils ne sont plus, qu’ils font rire dans les coursives et conseils d’administration, mais dix ans que pour eux c’est un baroud d’honneur. Ils tentent tout. Tout ce qui n’a jamais marché dans leur rêve européen, ils se font plus que jamais fort de démontrer que c’est la seule solution. Du coup, ils recrutent avec le dernier des cynismes des benêts comme ce pauvre Teflon,  ou comment s’appelle-t-elle cette Italienne siphonée qui ressemble à un phasme ? Oui, la Mantide Religiosa qui n’a ni plus ni moins de pouvoir qu’une trancheuse à Jambon et la retenue vestimentaire d’Elvis Presley.  Mais bon, ils ont aussi et encore Marechal Europe, qui est le deuxième classe 5 du vieux continent, et il ne faudrait pas qu’ils aient idée de le mandater pour faire le ménage par ici. D’autant que MDK et lui ont un petit contentieux personnel, que ce monsieur se ferait un grand plaisir de régler si on lui donne le prétexte. Et là, sans la moindre honte, ça fait très  peur. Parce que ce gars est probablement invincible. Et totalement sadique.

MDK n’est pas précisément un pétocheux, il a parfois des pointes de vertiges, des appréhensions, mais qui passent dans le feu de l’action. Là, non, en face du Maréchal Europe, il a toujours eu une peur viscérale, à en perdre toute tenue. Il mouille les couches. La seule chose qui pourrait le rassurer un peu c’est la présence à ses côtés et le dévouement sans faille de la Spectre… pour dire à quel niveau de bassesse ça peut le rendre : il serait prêt à s’abriter derrière cette jeune femme crédule qui ferait tout pour lui. Rien que d’y penser, il se débecte. D’autant qu’il est bien possible que même elle ne fasse pas le poids en face du Maréchal. Il a quand même dégommé à lui tout seul l’Essaim, et fait mordre la poussière au robot géant du professeur Poupinet. Personne n’est en mesure d’évaluer une limite à sa force. Pour l’instant, tout ce qu’on lui a donné à soulever ou à déplacer, tout ce qu’il lui a fallu enfoncer ou réduire en miettes, dépasse de très loin le simple entendement. On dit qu’il pourrait soulever la tour Eiffel. Alors c’est sûr, que La Spectre Noire peut se rendre intangible et voleter, elle peut guérir les foules aussi… et se téléporter bien sûr, c’est nouveau ça vient de sortir, mais tout ça ne lui servirait qu’à ne pas être défaite. Mais pourrait-elle gagner avec sa seule projection de champs de forces ? Rien n’est moins sûr. Il est rustique, le Maréchal, et solide sur ses appuis. À moins qu’elle ait un pouvoir en réserve, avec elle on n’est plus à une surprise près. Et puis la question est prématurée et tellement lâche. MDK aimerait avoir le courage de la pousser derrière lui pour la protéger si un tel combat devait être inévitable.

Il en grimace de dégoût anticipé pour lui-même. Ce n’est pas d’actualité et c’est tant mieux. La Spectre ne revient toujours pas. Il aurait presque eu le temps de faire un tour à son atelier pour poser en sécurité son matériel obsolète. C’est un peu dommage de se le trimbaler en vol, alors qu’il est plus que jamais temps de garder ses mains libres. En même temps, c’est la nuit, il y a peu de chance que quelqu’un quelque part monte sur un toit d’ici à demain matin. Il faudrait juste trouver un toit plus près du QG ou de l’atelier.  MDK, clenche son propulseur et s’élève un peu au-dessus de l’hôpital. En allant vers les Buers ou vers le sixième arrondissement, ce qui culmine ce sont les deux tours de l’ensemble des Gratte-Ciel. Où qu’on aille ensuite, quelque direction qu’on prenne, ça vaudra la peine de faire le crochet. On n’est même pas obligé de se poser. Il connaît les toits en terrasse de là-bas qui sont faits en gravier et qui amortiront sans dommage un largage en rase-mottes.

Quand il se pose, elle est là. La Spectre est assise par terre, elle a enlevé la blouse verte qui la déguisait et s’en sert de mouchoir. Elle n’a pas l’air de pleurer, mais d’essuyer son visage. MDK s’assoit près d’elle et passe son bras sur son épaule. Alors elle se blottit comme une petite bête dans ses bras. Évidemment, lui ne sait pas quoi faire, sinon lui caresser sa joue humide avec le dos de son index.

– Ne m’en veuillez pas, Jojo. Elle m’en a refait vivre des vertes et des pas mûres la petite Rica. Mon Dieu qu’elle est malheureuse cette petite et comme elle va être malheureuse pour toujours maintenant. J’ai essayé mon pouvoir, mais ça ne la guérit pas de ça. C’est comme ça, c’est nul. Je suis nulle.

– Ne dites pas ça, vous l’avez tirée du coma.

– J’aurais mieux fait de l’y laisser. Au moins, elle aurait la tête et le coeur vide. Mais allez, il faut être forte.

Et elle prend la main de MDK, et l’embrasse à pleines lèvres, mais sans arrière-pensées. Puis se voyant faire, elle se pétrifie un instant, et cette fois serre la grosse main, et la porte à son visage pour se caresser encore un peu la joue et ne la libère pas sans un baiser plus appuyé encore.

– Ça me ferait du bien de voler un peu, mais de toute façon, on ne va pas rester là. Les soignants sont à ses côtés maintenant, et ses parents aussi.  Je pense qu’ils se sont demandé qui j’étais, qu’ils m’ont prise pour une copine, mais comme elle ne voulait plus que je parte, ils m’ont laissée tranquille.

– Elle vous a parlé.

– Oh là là oui, elle m’a dit tellement de choses… vous savez que je suis incapable de retenir la moitié de ce qu’on me dit. Mais là, ce ne sera même pas la moitié de la moitié de la moitié. D’un autre côté, elle s’est beaucoup répétée. Par exemple, que sa vie est foutue, elle l’a dit plein de fois. J’espère que je n’ai pas retenu toutes les fois où elle l’a dit au lieu de retenir d’autres choses. 

– Et elle a pu vous décrire son agresseur  ou ses agresseurs ?

– Non

– Mince.

– Mais moi je peux.

– C’est à dire ?

– Bon. Vous allez me prendre pour une folle, mais… quand je l’ai soignée, quand elle a retrouvé un peu des images de sa sale nuit, enfin des ambiances d’abord, je l’ai senti. Mais j’étais très concentrée sur elle.

– Vous avez senti le bien que vous lui faisiez ?

– Non, j’ai senti ce qu’elle sentait. En fait, j’ai eu des images. Des sons. Et des sensations… enfin vous voyez ? Non, vous ne pouvez pas voir.

– Vous voulez dire que vous avez revécu ce qu’elle revivait ?

– Pas tout, heureusement. Mais déjà beaucoup trop, oui. Trop trop même.

– Mince Spectre, je suis désolé.

– Moi aussi. Mais ça va, hein ? C’est pour de faux.

– Et vous sauriez décrire les deux agresseurs ?

– Non, mais j’ai reconnu une des voix. J’avais eu un doute quand je vous ai soigné vous, et un autre doute quand j’ai soigné les policiers, et une des filles qu’on a trouvée avec eux tout à l’heure. Celle déguisée en chauve. Et puis ce policier bizarre… enfin, je ne sais pas s’il était policier, c’était celui avec le débardeur rouge et la barbe pleine de pellicules et de plancton. Et bien avec Rica aussi, j’ai eu un doute. Et puis me suis dit, mais Vani, ça fait plein de fois le même doute. Peut-être que ça marche comme les signes du destin. Sauf qu’évidement moi les signes du destin, je ne vois pas trop ce que c’est. C’est un peu comme quand on regarde les nuages et qu’il y en a un qui a la forme d’un Kangoo ? Vous savez la voiture ? Ça m’est arrivé une fois, mais pour moi, ce n’est pas très clair comme signe. C’était quoi votre question ?

– Vous me disiez que vous aviez reconnu une des voix.

– Oui, voilà. Ce n’était pas l’abbé Pierre d’ailleurs qui entendait des voix ? Oui non, je confonds. En plus là, moi, ce n’était pas des voix qui venait d’en haut comme dans les supermarchés : “le petit Kylian attend ses parents à l’accueil du magasin”. Moi c’était des voix réelles de vraies personnes. Pas des dieux. Et figurez-vous qu’une des voix, je la connais. Et vous aussi.

– Quoi ? 

– Vous ne devinez pas ? Ça commence par un “é” et ça finit par un “an”. Tan tan tan tan, quatre lettres. Non, pas des lettres, des heu…

– Des syllabes.

– Punaise, je le savais.

MDK bute sur un mur. Pourtant des gens que la Spectre connaît et que lui connaît aussi, il n’y en a pas des masses. À moins, et elle en est capable, qu’elle parle de gens connus, comme des chanteurs ou des ministres. Non quand même. Punaise… punaise… Il l’a…

Évanescent ?

– Voilà ! vous gagnez votre poids en beurre et votre poids en cul de la crémière, on applaudit Jojo Méca, qui reviendra en deuxième semaine face à un nouveau challenger.

– Mais vous êtes sûre, Spectre ?

– Sûre de quoi ?

– Que c’était Évanescent ?

– Non, je ne suis pas sûre, comment voulez-vous ? Par contre, je suis sûre que c’était sa voix, et puis sa manière de parler aussi. Et puis, vous savez comme il était. Il parlait de fesse tout le temps. Pas qu’à moi, si ? Et bien, il n’a pas changé. En plus, là il parlait de cul salement, mais bon, c’était aussi le contexte. Avec cette pauvre fille toute nue. Je me fais mal comprendre, c’est ça ?

– Non non.

– Non, comme je vois votre tête globuleuse…

– Non, c’est simplement que je me dis, si c’est vraiment Évanescent, comme vous l’avez entendu, c’est quand même un pouvoir que vous avez qui est bien barré. Est-ce qu’on peut s’appuyer dessus ?

– Sur ?

– D’un autre côté, comme piste on n’a rien d’autre. Mais comment savoir ?

– Oui, comment ?

– D’un autre côté, il faut quand même que le hasard soit sacrément farceur pour qu’on soit tombé pile sur lui dans cette vaste ville.

– En plus pour une fois qu’on sortait.

– D’un autre côté, visiblement son truc à lui, c’est les justicières masquées… et plus précisément vous. Vous aviez remarqué ça ? Que vous étiez son truc ?

– Pardon ?

– Est-ce que vous aviez remarqué que vous plaisiez spécialement à Évanescent à l’époque où il était encore membre du BIOS ?

– Ah ça oui. Après, moi je plais spécialement à plein de gens. Il n’y a que certains petits chiens avec qui je sens de la distance. Mais oui, avec Évanescent, mon pouvoir d’intangibilité m’a rendu bien service à l’époque, et j’ai dû me garder plus d’une fois de ne pas lui enfoncer ses deux mains dans le carrelage. Cela dit, j’aurais dû le faire à l’époque. On n’en serait pas là. Oui, mais non, si j’avais fait ça, vous m’auriez probablement virée du BIOS, et peut-être m’auriez-vous attaquée, et j’aurais été obligée de vous tuer. Donc non, je retire.

– Oui merci… en fait, le seul hasard, c’est que nous soyons tombés sur Blind.

– Pas dessus, à côté. Et puis ce n’était pas la vraie Blind, vous vous souvenez ?

– Mais quand on est Évanescent, une sacrée ordure donc, et qu’on fantasme sur la Spectre Noire, et qu’on sait qu’on ne pourra jamais l’avoir, une soirée déguisée, thème superhéros, est-ce que ce n’est pas une pure aubaine ? Comment aurait-il pu avoir vent de la fête ?

– Bon, je pars du principe que vous parlez à haute voix en me regardant fixement, mais que ça ne veut pas dire que vous me parlez. Parce que moi, je ne vous comprends pas du tout. Le vent de la fête, je vous jure que je ne vois pas de quoi ça retourne. Vous voulez dire quoi en fait ?

– Que l’un des deux violeurs connaît de près ou de loin le garçon qui a organisé la fête !

– Gétro ?

– Quoi ?

– Celui qui s’appelait Gétro ? Évanescent, son copain, il l’appelait Gétro. “Gétro, endors-la, cette petite salope” par ci, “Gétro, doucement frérot” par là.

– Jéthro vous dites ?

– Oui, c’est bizarre, hein ? Comme nom. Ça fait japonais. Gé ! tro ! Kung-fu !

– Oui, ce n’est pas commun. Et justement… on le tient peut-être…

 – Ah ?

– Vous êtes toujours partante pour voler un peu ? On retourne chez moi.

– Oh oui !

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