“La tempête qui vient” de James Ellroy est le deuxième volume de sa quadrilogie en cours de rédaction, et que son éditeur français appelle le deuxième quatuor de Los Angeles. C’est encore un bon gros volume de près de 750 pages et de fait on retrouve la métropole dans l’état où on l’avait abandonnée à la fin de “Perfidia”, le tome 1 : c’est à dire livrée toute entière à la corruption et au vice, en plus de la peur panique puisque Pearl Harbor vient tout juste d’avoir lieu. On retrouve aussi les ambitions carnassières et les immondes manigances de toute la petite population qui est prise comme une foule de lapins dans des phares dans les jeux d’alliances et de trahisons induites par la rivalité entre Whisky Bill Parker en pleine rédemption et ce fou furieux de Dudley Smith qui a plus que jamais lâché les bords. C’est le fil rouge du volume. Bien plus que l’enquête autour d’un triple homicide à mener proprement à bien, plus aussi, que la quête d’un inestimable trésor en lingot d’or disparu suite au braquage d’un train, plus encore que le démantèlement de la cinquième colonne, du rapprochement qui s’opère déjà en anticipation de l’après-guerre d’une frange de l’extrême droite et d’une frange de l’extrême gauche. Ce qui agite vraiment tous les personnages, c’est la haine réciproque que se vouent Parker et Smith, et dans laquelle ils engagent comme des pions tous ceux qui les entourent. À part la très maline et très tordue Kay Leigh, personne n’est sauvé dans cette mélasse humaine, personne n’est intact. C’est vraiment le bûcher des vanités. Pour dire, j’ai trouvé à admirer un peu de droiture de la part d’Elmer Jackson quand j’ai eu fermé le livre, alors qu’Elmer Jackson est un flic corrompu, assassin sang vergogne et qu’il est à la tête d’un réseau florissant de prostitution. Et dans le lot, c’est mon gars sûr ?
C’est un livre époustouflant, qui pousse plus loin les enjeux déjà poussés loin dans le tome 1. Il faudra que je fasse une cartographie d’Ellroy, peut-être un oujoporama, à usage personnel, parce que je l’ai beaucoup lu, et pas forcément dans un ordre cohérent. Mais bon, l’œuvre procède elle aussi par aller-retour. Ce deuxième quatuor aussi raconte des événements qui se déroulent avant le premier quatuor avec foule de personnages communs, et d’ailleurs Élisabeth Short est encore vivante – Et Élisabeth Short, c’est le dahlia noir. J’ai commandé sur le bon coin “ma part d’ombre” parce que je ne pense que je puisse dire quoi que ce soit d’un peu cohérent sur ce bonhomme, sans l’avoir lu quand il parle du gamin qu’il a été, et de cette photographie de lui a onze ans juste après qu’on lui a annoncé l’atroce meurtre de sa mère.
Je lui dois ma première gifle de l’année.