Vanina Ah Ah – épilogue et FIN

ÉPILOGUE

Elle s’est enfin endormie. Mais elle continue à marmonner, mâchonner, dans son sommeil. Il a bien cru qu’elle n’arrêterait jamais de parler. C’est impossible qu’il y ait autant de choses à dire à l’intérieur d’une seule personne. Ça ne doit pas venir du dedans, ça doit être dans l’air, dans tout l’espace, et elle, c’est juste une caisse de résonnance et qui restitue ce qu’elle peut du bruit cosmique. Elle a pris d’autorité sa main et la tient serrée dans les deux siennes, sur l’oreiller juste devant son visage, des fois que dans la nuit elle soit reprise de cette envie de la couvrir de baisers comme elle fait. Elle a un visage un peu tendu quand elle dort, elle l’aura probablement encore cette tension dans la mort, et elle a une très jolie trogne même si elle bave un peu. Merveilleusement jolie.

Son chat qui louche s’est endormi aussi entre ses pieds. Elle l’a méthodiquement appelle Tutu, après avoir essayé de lui faire reconnaître plein d’autres noms, et Tutu est une gentille bête extrêmement collante qui se tient pour l’instant à l’écart de Syllabe et Bikini qui sont encore beaucoup dans l’invective et l’incompréhension quant à son intrusion. Ça va que la maison est grande, et que le terrain à l’entour est infini à l’échelle d’un chat d’appartement. Le Mas est posé en plein maquis, et il n’y a qu’un toit sur la colline d’en face, et rien sur ce flanc-ci jusqu’au fond du petit canyon à trente minutes de marche. Demain, Vanina veut voir la rivière, et s’acheter une canne à pêche au village, et puis Paris-Match parce qu’il paraît qu’il y a un article révélation sur elle, et qu’elle est avide d’apprendre. Cette maison, Jean-Georges l’a acquise à son premier million blanchi. Ici, tout le monde le connaît depuis plus de dix ans comme Jean-Joseph Bianchi, Jean-Jo pour les parties de boule et les apéros, avocat du Creuzot spécialiste en propriété industrielle, et sa mère aussi qui s’est choisi comme nouveau prénom Loren en hommage à une vague ressemblance à Loren Baccal dont elle n’a pas démordu. Ils vont apprendre à connaître sa jeune et belle maîtresse, qui travaille encore sur son identité d’emprunt et qui ne veut pas se tromper, parce que c’est définitif. Et qu’on ne pourra pas faire des fausses cartes d’identité tous les jours. Pour le prénom, Pocahontas tient la corde, mais elle aime bien Lacy aussi, même si c’est un nom de chien. Pour le nom de famille, elle est sans équivoque :

– Je veux le même que toi, Jeanjean. On dira qu’on s’est marié à Las Vegas, et puis c’est tout. Alizée l’a fait et personne n’a trouvé ça bizarre. Alors qu’elle est américaine, Alizée ? Non.

Les choses sont peut-être bien allées un peu trop vite ces quarante-huit dernières heures. Il a fallu tout quitter et balayer sur ses traces de pas. Clôturer des comptes et transférer des fonds et des compétences aux Caïmans et Jersey. Et puis, surtout, il a bien fallu plonger dans cet improbable de se rapprocher l’un de l’autre comme ça. La nuit a été terrible. Longue et émouvante, oui. Mais éprouvante aussi. Vanina Celesti a été un bloc de pudeur et d’émotion qui s’est beaucoup beaucoup dématérialisé pendant tout le moment où elle s’est donnée. Il a même fallu la ramener du plafond tant l’intensité l’a sortie d’elle-même, et Jean-George est plus d’une fois passé à travers elle pour tomber dans les draps. Au bout le la nuit, il a fallu renoncer à mieux. Il a fallu compter qu’avec le temps ça finirait par arriver tout seul. Alors elle a un peu pleuré, et elle a soufflé :

– Je t’aime, Jeanjean.

Et puis, après, comme elle était lancée, elle a commencé à dévider tout son cœur, et puis le reste, et puis les restes des restes.

Ça va aller…

FIN

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