Pour des raisons un peu torves, j’attendais beaucoup de la lecture de ce livre, et je serais bien bégueule de me déclarer déçu. Eric Vuillard construit un récit en tableaux détaillés et documentés, et parvient à nous pencher avec lui sur les archives desquelles il a déroulé la petite histoire du Wild west show, et la plus petite histoire encore des hommes de la conquête de l’ouest que l’histoire a mâchés, recrachés. Dans le spectacle, Bill Cody est le seul à avoir adhéré à son personnage, Buffalo Bill ; les autres, Indiens vaincus, ont tenu sur des chevaux comme des figurines. Vuillard dénonce ceci : le massacre objectif et documenté de femmes et d’enfants peut être « vendu » comme bataille épique dans le spectacle du tout début du spectacle, recyclé par la suite maintes fois au cinéma, peut contribuer à fonder une nation mensongère et exploratrice de son mensonge… et valoir en tout bout chaîne un prix Fémina à un littérateur français. Parce que de la littérature, le texte en est plein. Trop plein peut-être ; on a droit à une démonstration. C’est parfois vraiment éblouissant, mais il faut se fader aussi des leçons de choses assez péremptoires et sinon des envolées de mièvrerie : après avoir décrit avec assez de force le massacre du Wounded Knee, en adoptant les points de vues comme une puce change de chien, Vuillard ne sait pas nous laisser sur la désolation, pauvre de nous :
Pouf pouf
« Et il se leva une violente tempête. La neige tomba du ciel comme une injonction de Dieu. Les flocons tourbillonnaient autour des morts, légers, sereins. Ils se posaient sur les cheveux, sur les lèvres. Les paupières étaient toutes constellées de givre. Que c’est délicat un flocon ! On dirait un petit secret fatigué, une douceur perdue, inconsolable« .
Et des moments de « polésie » de ce tonneau, le livre en est farci. Du coup, je me suis promis de lire sous peu son « l’ordre du jour » – prix Goncourt 2017. Parce que je tiens à mes raisons un peu torves.