Avec mes usuels métros de retard, j’ai découvert Pierre Lemaitre cette année – mais j’ai rarement l’occasion de me désoler d’être si peu à la page. Lemaitre ne fait pas exception même si j’aime bien ce bonhomme, et même si j’aime bien ce que j’ai lu. j’aime très bien même. Je retrouve dans “Alex” ce qui m’avait embarqué dans “au revoir là-haut”, un sens du récit et du tragique vraiment admirable, et une générosité dans l’intrigue qui est aussi sophistiquée que le maniement des ficelles dans le bondages ou dans la contention d’un rôti. C’est un grand captiveur d’attention et de nerfs. Dans “Alex”, c’est presque trop : le premier tableau, la première situation, suffirait à beaucoup d’auteurs pour faire un roman complet, et quant à moi je regrette presque de ne pas m’être arrêté là, une fois ce premier suspens “dénoué”. Mais il y a un acte 2 tout aussi complexe et un acte 3 tout pareil. En sorte qu’on sort de là lessivé, récuré… et sur sa faim.
Ça reste un coup de maitre, malgré l’impression du trop, déjà ressentie dans “au revoir là-haut”. Autre similitude : ce n’est pas que je ne les aime pas, mais je ne “sens” pas ses personnages principaux, pas plus son mini-flic, que sa tueuse, et que les deux poilus paumés de “au revoir là-haut”. Je les trouve habillés, amidonnés, raides. Alors que ses personnages secondaires, ses “emplois”, sont superbement jetés.
Ces infimes réserves mises à part, son humour un peu badoum-tchi aussi, je suis très admiratif de ce monsieur qui mérite amplement le rang qui est le sien. Et je lui dois de belles heures.
Pierre Lemaitre : Alex
